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Présentation

  • : Le blog de MOSER CHRISTINE
  • : J'ai l'intention de consacrer ce blog à deux de mes passions, la littérature et l'écriture. La première est facile à assouvir, la seconde s'entretient chaque jour. J'ai envie de parler de mes travaux d'écriture en tout genre : des récits et biographies écrits sur commande, des piges pour la presse, des lettres publicitaires, ou encore des histoires illustrées pour enfants. Les projets sont également nombreux...
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Nouvelle parue dans le magazine MAXI n° 1097



   Rosie est décidée : elle doit coûte que coûte reprendre sa vie en main, ce qui signifie ficher le camp d'ici. Carrément ! Le moment est peut-être mal choisi, car elle n'est pas au mieux de sa forme depuis son opération. Elle a assez peu de chance de réussir, en somme. Tant pis ! Pour autant, elle n'a pas l'intention de rester moisir entre quatre murs, à l'instar de ses compagnes d'infortune. On a beau nommer cet endroit un hôpital, en réalité c'est un mouroir. A l'aide de tous ces médicaments, ces trucs qui tantôt abrutissent tantôt excitent, l'objectif est de les tuer à petit feu. Les unes après les autres. Certes, Rosie est nouvelle dans le service, n'empêche elle en a vu quelques unes disparaître du jour au lendemain, victimes d'un mal mystérieux. Bien sûr, on ne leur dit rien, on ne leur explique rien. En fait, la situation est des plus bizarres : celles qui ont passé l'arme à gauche n'avaient pas l'air au trente sixième dessous. D'ailleurs, la plupart d'entre elles étaient jeunes. On leur aura donner un coup de pouce afin de les expédier... dans l'au-delà, même si l'on a jamais aperçu l'ombre d'un cadavre. Malgré les évidences nul ne bronche. C'est tout juste si les blouses blanches ne sont pas accueillies à bras ouverts. 
   Rosie n'est point dupe. Oui, son cerveau est de petite taille, cependant elle est loin d'être idiote. A force d'observer, elle a repéré le manège. A chaque fois identique. En premier lieu, une blouse blanche débarque dans la pièce, désigne l'une ou l'autre sous le bon prétexte de lui faire passer des examens. La suite, mystère. Quoiqu'il en soit, une fois sur deux, on ne revoit pas l'heureuse élue. Un traitement fatal lui aura été infligé. Et si on les prenait pour cobayes ? Est-elle là la vérité ? A l'abri derrière leurs uniformes, ces hommes et femmes de science se comportent comme si tout était normal. Il arrive, c'est vrai, qu'une patiente revienne dans une forme olympique . Les blouses blanches sont les premières à s'extasier. Et à chacun de retenir ce qui l'arrange. 
   En revanche, Rosie est forcée d'admettre qu'ici l'alimentation est abondante en plus d'être variée. Certaines ne mangent pas à leur faim, ou de façon moins équilibrée, à l'extérieur de l'hôpital. Egalement un bon point en ce qui concerne l'hygiène. Tout est impeccable, et chacune dispose d'un box individuel, particulièrement spacieux. Une multitude de jeux est mis à disposition dans le but d'empêcher l'ennui. Les blouses blanches, matin et soir, vérifient la tension, le rythme cardiaque, sans oublier de distribuer une kyrielle de médicaments. Au nom de la médecine, elles abusent de pilules multicolores ou d'injections transparentes. Rosie a bien compris la dangerosité d'une telle pratique. Tiens, elle a failli compter parmi les victimes...Elle s'en est tirée de justesse. C'était il y a une quinzaine de jours. Les blouses blanches s'étaient lancées dans une discussion, usant de leur jargon médical, un véritable charabia pour le commun des mortels. En tout cas, elles ont décidé d'opérer Rosie ; il  était question de son cerveau. Une blouse blanche a enfilé des gants en latex, et malgré les protestations de Rosie, l'a arrachée au jeu qu'elle commençait avec sa voisine de chambre.  Ensuite, on l'a allongée sur la table d'opération. Après, elle a eu droit à une bonne dose d'anesthésiant. Très vite ça a été le trou noir. Quand Rosie a émergé dans dans la salle de réveil, elle a été en proie à d'affreux maux de tête. Ce genre de douleur lui était étranger avant d'être charcutée au bloc opératoire. Il y a de quoi se demander si les blouses blanches ne se sont pas échappées d'un asile de fous. Ou si elles ne prennent pas un plaisir sadique à pratiquer des opérations inutiles. Bref, si la mission de cet hôpital n'est pas de causer le mal à la place de soigner. 
   Rosie est restée trois jours à grelotter de fièvre, incapable de se plaindre, de réagir. Elle a été à deux doigts de mourir. Elle était vraiment mal partie , toutefois son organisme superrésistant a fini par remporter la victoire, ceci à l'immense surprise du personnel soignant. Ni agréable ni rassurante cette attitude : on est là, dans un hôpital, et tout le monde semble étonné de vous voir vivante ! Si Rosie est parvenue à remonter la pente, elle demeure faible, en dépit des vitamines dont les blouses blanches la gavent. Prendre le large dans ces conditions est plutôt handicapant, non ? 
   Allez, sauve qui peut ! Les copines, malgré la proposition de Rosie, refusent de la suivre. Elles nient que les blouses blanches sont des assassins déguisés en docteurs, que les jolis box sont des antichambres de la mort, qu'il n' y a pas de malades, mais seulement des prisonnières. Elle se sont malheureusement résignées. 
   Pour Rosie la rebelle, le grand moment est enfin là. La nuit est tombée, la pièce se trouve maintenant plongée dans la pénombre. Fini le bruit ainsi que les incessantes allées et venues. Les blouses blanches ont quitté les lieux. Si la chance est de la partie, la fuite de Rosie ne sera découverte que le lendemain. Alors, elle sera loin. Hop ! Finalement, c'est un jeu d'enfant de déjouer le système de fermeture de la porte, toujours soigneusement verrouillée. La voici dehors. Elle hume l'air frais avec délice. Rosie ignore si elle sera encore en vie demain. Malgré l'incertitude, elle préfère courir le risque. Tout plutôt qu'une vie de souris de laboratoire.  

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